Sessions ouvertes de musique traditionnelle irlandaise

On échange nos tunes (morceaux, airs) et nos suites de tunes, chacun est libre de donner et chacun est libre de recevoir. Il nous faut travailler les airs et les ornementations chez soi avant de les proposer aux autres. On lance une suite au bon moment suivant l’humeur du groupe, son envie ; il faut être attentif aux autres et à soi-même. Un ré-accordage s’impose de temps en temps pour jouer juste, et un verre de bière aux copains “sur ma note” permet de jouer juste comme il faut… par plaisir !

Une session régulière est chargée d’histoires, de mémoire, d’habitudes et surprises, de patience et de lâcher prise, d’idéal aussi. On se doit de laisser une place à chacun et de respecter les temps d’échanges  entre chaque suite de morceaux. Le silence permet de jouir du goût qu’il nous reste avant de répondre par un autre morceaux choisi de façon adéquate et partagée. Donc on se parle.

Une session même ouverte a un commencement, une progression et une fin. Elle raconte une histoire. Le tempo en est l’unité de mesure de sa progression. Toutes les sessions régulières ont leurs habitués, les suites de morceaux qu’ils ont fini par adopter ensemble. Les sessions témoignent d’un consensus de l’ensemble.

La confiance et l’intégrité du groupe permettent l’ouverture d’esprit, et, pour aller plus loin l’envie d’exotisme, de relations nouvelles, de nouvelles façons de l’appréhender et de la compléter.


Déroulement

À condition d’adapter quelques règles conventionnelles, d’observer et d’écouter, de connaître ses qualités et ses faiblesses, savoir quand, quoi et comment jouer ou poser son instrument. C’est un équlibre précieux qu’il faut considérer fragile parfois.

  • On commence par s’accorder pour jouer des standards, lentement.

  • Invitant les débutants, les musiciens de passage qui se sont informés et arrivent à l’heure à laquelle ils pourront apprécier leur niveau.

  • Au milieu de la soirée on laisse la place aux plus expérimentés en leur laissant la possibilité de donner de leur singularité plus travaillée et enfin se faire plaisir,  de se retrouver ensemble.

  • Entre les deux on découvre, on apprend des autres, on adapte son phrasé et sa vitesse de jeu ; on soutient et si plantage il y a, c’est souvent plus dans l’attitude qu’on impose aux autres, dans l’impatience des besoins de reconnaissance que notre égo nous inflige, que dans la technique de jeu ou la richesse du répertoire…

  • Un morceau lancé est repris, la question demeure : est-ce le moment opportun, dans la soirée, de la proposer à cette vitesse et dans cette qualité de jeu ? Ou plutôt n’est il pas plus respectueux de s’abstenir… et d’écouter. On en discute, en buvant une gorgée de bière, et pourquoi pas inviter à danser…

La musique traditionnelle a un corps

C’est d’une croyance dans les esprits farceurs (dont il nous faut déjouer les plans) qu’une matière s’invente perpétuellement dans ce temps extraordinaire qu’est la session. La musique traditionnelle a un corps.

Un musicien qu’il le veuille ou non, qu’il en ai conscience ou pas, joue de sa personne, on entend l’énergie dans son jeu, sa sensibilité dans le choix de son répertoire, et de sa personnalité dans la manière de la soumettre aux autres musiciens. Très peu de place pour un soliste à priori… Sauf pour les meilleurs d’entre nous… en concert ou en “gig” (plan payé).

Nous sommes collectivement garants de l’ambiance ; de ce fait ces rendez-vous sont parfois ouverts, parfois moins, parfois plus du tout, parfois uniquement sur invitation. Le plus important en session est parfois de rester simplement avec des oreilles souriantes et de s’immerger ! Le respect et la liberté, quand ils se complètent intelligemment permettent l’essor de liens amicaux et collégiaux précieux.

Olivier